Petit Pierre ou La petite soupière

L’autre jour j’ai rencontré Pierre
Le fils de Nicolas Germain
Qui s’en allait à la rivière
Pour y faire boire son âne et son veau
Et moi qui menais paître l’herbe fraîche,
Mon petit agneau pour le faire engraisser
« Votre agneau est gentil mam’selle... »
Me dit Pierre prenant un baiser.

« Ah, dites-moi, mademoiselle
Pouvez-vous me dire ce que vous savez faire ? »

« Je sais tricoter des bas de laine,
Je sais laver à la rivière,
Je sais filer à la quenouille
Et broder quelques petits sujets.
Dame, monsieur Pierre, bonne ménagère
Car des enfants j’en aurions à ses soins.
M’en demandez pas davantage
Car voilà tout ce que je sais. »

« Et dites-moi mademoiselle,
Pouvez-vous me dire ce que vous possédez ? »

« J’ai d’abord ma table et mon lit
Mon armoire, mes chaises, mes brebis,
Mon agneau, mes poules, mes dindons,
Et autre chose qui n’a pas servi,
Qui n’a pas servi, mais qu’est du fragile
Que ma mère m’a recommandé souvent :
Garde-le bien, ma petite fille
Pour l’avoir en te mariant. »

« Oh, pouvez-vous me dire mademoiselle
Ce qu’est cet objet si fragile
Que votre mère vous a recommandé souvent ? »

« Et bien, monsieur Pierre,
C’est une petite soupière
Que ma mère a gagné à la loterie dernière,
Et m’a recommandée en mourant. »

« Courons vite chez le notaire
Pour que le contrat soit signé,
Car je suis impatient ma chère.
Ça vous fait-y le même effet ? »
« Bien, monsieur Pierre ?
Je n’dis pas non
Car disant non, ma foi, je mentirais
M’en demandez pas davantage
Car voilà tout ce que sais... »