Construction de la carte de France

La France, depuis la paix de Versailles, a repris sa figure harmonieuse ; mais il est facile de la déformer si l’on n’y prend garde.

Nous en donnons ci-dessous une construction aussi simple qu'ingénieuse, qui provient vraisemblablement de l’ancienne école normale supérieure de Cluny.

L’unité est, pour le maître ou un élève au tableau, la main étendue, formant compas de l’extrémité du pouce à l’extrémité de l’index. Sur le cahier, ce sera une longueur prise sur une bande de papier.

Si l’on trace une ligne verticale, et une horizontale, leur point de contact sera à peu près Paris. Sur la ligne verticale, au-dessus de Paris,portons 2 divisions. La division 2 sera à peu près Dunkerque. Au-dessous de Paris, portons 5 divisions. La 5e sera à peu près la frontière espagnole, au sud de Perpignan.

À droite de Paris, portons 3 divisions. La 3e coupera le Rhin vers Strasbourg. Portons-en 3 1/2 à gauche, l’extrémité détermine à peu près Brest.

Maintenant, remarquez :

La position du Havre déterminée facilement ;

La côte nord du Cotentin à peu près tangente à une ligne de construction commode ;

La baie du Mont-Saint-Michel, en 2, donnant le point d’arrivée de la côte du Cotentin, et le point de départ de la côte bretonne. Constatez comme la courbe de la côte ouest du Cotentin continue celle de la côte des Landes, combien gracieusement la côte sud de la Bretagne raccorde avec la précédente.

Ces observations faites, il est facile de tracer sans déformation trop grande la côte de Dunkerque à Bayonne.

Les Pyrénées se tracent d’elles-mêmes. Regardez l’emplacement delta du Rhône, et vous tracez sûrement en deux droites la côte du golfe du Lion, et en deux autres, disposées autrement, mais d’angle à peu près égal, la côte de Provence.

Habituez-vous à tracer le Rhin au-dessus et au-dessous de la première ligne horizontale. Vous aurez par la même la direction de la frontière ancienne du nord-est, où l’avancée de Givet en Belgique est la seule saillie importante et la place de Strasbourg.

Le Jura se trace plus obliquement que le Rhin. Le lac de Genêve lui est tangent. Il est un peu au-dessus d’une ligne horizontale de construction. Les Alpes se tracent facilement en dedans d’une ligne verticale de construction.

Veut-on tracer la ligne européenne de partage des eaux qui traverse la France, et par suite dessine le bassin du Rhône ? Il suffit de remarquer qu’une ligne verticale de construction donne à peu près la direction des Cévennes : une courbe élégante de raccordement avec les Vosges au nord, une autre vers le col de Naurouze au sud, et la chose est faite avec sûreté.

On remarquera dans cette construction l’abondance des à peu près. C’est ce qui en fait la valeur. Il est possible de trouver des systèmes qui donnent mathématiquement les points cherchés. Leur défaut est qu’ils se retiennent plus malaisément que la carte sans construction.

En somme, nous ne voulons pas faire des dessinateurs géographes : nous voulons guider l’œil et la main, afin d’éviter des déformations, qui rendent monstrueuse la figure de la France. C’est, en résumé, le procédé des grandes lignes, cher aux dessinateurs, qui est ici appliqué à la carte de France.